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Photo du rédacteurCarole Tanguy

Améliorer l’idée qu’on se fait de soi ; quelles ressources ?

Dernière mise à jour : 3 déc. 2021




Connaissez-vous la différence entre confiance en soi et estime de soi ? Ce sont deux sentiments qui, s’ils sont corrélés, sont pourtant distincts l’un de l’autre. Le capital « confiance en soi/estime de soi » varie considérablement d’un individu à un autre et leurs proportions peuvent être, de façon étonnante, tout à fait inégales pour chacun, dans un sens comme dans l’autre.


La confiance en soi est l’évaluation de ses capacités et la confiance qu’on peut avoir en son propre jugement. Une bonne confiance en soi serait d’avoir la conviction de pouvoir compter sur ses ressources internes et sur sa faculté à affronter l’inconnu ou ses peurs. Notez que l’excès de confiance est cependant néfaste car il est probablement une évaluation erronée de ses capacités réelles. En société, elle se construirait dès le plus jeune âge sur la confiance en l’autre. Ce qui préfigure altérité, réciprocité et sincérité. Théorie qui amène la psychanalyste Anne Dufourmantelle à affirmer que « le manque de confiance en soi n’existe pas ». Ce sentiment s’altérerait-il alors simplement par manque de confiance envers autrui ? Le philosophe Charles Pépin qui décline dans son ouvrage « la confiance en soi » les trois ressorts nécessaires, selon lui, au développement de ce sentiment, mentionne lui aussi l’importance de cette confiance en l’autre comme étant un paramètre essentiel. Le deuxième ressort étant la confiance en ses propres capacités et le troisième (et non le moindre) la confiance en la vie. Plus la confiance en soi est élevée, moins il y a d’inquiétude et de stress à appréhender son environnement. Elle a en effet pour fonction de réguler nos émotions en temps utiles et faire un tri clairvoyant dans notre système de pensée afin de réagir au mieux à une situation inhabituelle ou éprouvante. Elle peut s’ancrer profondément chez un enfant qui aura été régulièrement encouragé, valorisé, rendu autonome et reconnu en tant que sujet. Cette confiance en soi peut toutefois, et fort heureusement, s’émanciper encore chez l’adulte s’il se sent gratifié d’une confiance qui le touche. La reconnaissance dans la réciprocité fera alors son œuvre.


L’estime de soi, elle, se rapporte à l’image de soi, c’est-à-dire à la valeur que l’on s’accorde. Cette valeur est basée sur des croyances personnelles (liées à l’éducation) que chacun de nous cultive et à partir desquelles chacun s’auto-évalue avec une conviction profonde qu’il est difficile d’ébranler (voir aussi l'article « La fabrique de la mésestime ») . A partir de cela chacun de nous va tenter de se conformer le plus fidèlement possible à un archétype qu’il aura défini comme étant l’idéal à atteindre et s’imposera (en n’en attendant pas moins des autres) des objectifs comportementaux qui définiront sa conduite et ses pensées. Ces comportements référentiels (inventoriés comme justes par définition) sont alors surtout un sésame dont la fonction pour chacun est d’être jugé favorablement, satisfaisant ainsi le besoin d’être accepté et reconnu par son entourage aussi bien personnel que professionnel. Comme l’a pertinemment synthétisé Marie-Laure Cuzacq (écrivaine) « l’estime de soi est à la fois la source et la conséquence de nos actes et de nos pensées ; un concept riche et complexe puisqu’il donne à la fois une description de l’être humain lui-même, mais aussi de l’être humain en interaction avec les autres ». En effet, ce qui est étonnant et préjudiciable c’est que cette « conception » que l’on a de soi peut parfois répondre davantage à l’idée que l’entourage se fait de nous : inconsciemment, on se conforme à l’image qu’on nous renvoie même si celle-ci n’est pas tout à fait cohérente avec ce que l’on est profondément. Ce décalage entre nos capacités (qui dans ce contexte ont du mal à s’exprimer) et notre potentialité réelle et ce à quoi l’on s’identifie, constituent alors une dissonance cognitive majeure puisque l’on se cantonne dans une croyance qui pour nous nous définit et que nous pensons être notre identité.


La façon dont chacun se considère et s’imagine se modèle à partir de la manière dont il aura été aimé et de la reconnaissance qu’il aura reçu au cours de son éducation (notez que ce vécu reste subjectif car certains reçoivent beaucoup et ont le sentiment d’avoir reçu peu et inversement) :

  • Plus on se sera senti accepté, soutenu et encouragé dans ses initiatives, ses expressions et sa créativité, moins on aura subi de dénigrement, plus la probabilité de s’accepter avec ses singularités, ses talents et caractères est grande.

  • Plus l’image que l’on se fait de soi est proche de ce que l’on est réellement capable de faire, meilleure sera l’estime de soi (indépendamment du niveau capacité).

  • Plus l’amour qui nous aura été accordé est inconditionnel (aimé et accepté avec ses maladresses et ses singularités), plus la probabilité est grande de s’accorder amour et bienveillance.

On aspirera alors moins à vouloir être différent de ce que l’on est ou à envier autrui ; et plus important encore :

  • Plus l’estime personnelle est grande, plus celle que l’on accordera à autrui sera conséquente et bienveillante également.

Les sentiments de bonne ou mauvaise estime de soi seraient vraiment directement liés au besoin d’exister et d’être valorisé par la communauté et surtout à la peur du rejet (cf. « La théorie de la face » de Erving Goffman). Il est alors question de comparaisons sociales, culturelles, physiques, intellectuelles, matérielles, etc. Aurions-nous vraiment besoin de cultiver l’estime de soi sur une île déserte ?


Quelles ressources pour renforcer confiance et estime de soi ?

Parmi les différentes ressources que nous détenons pour améliorer la confiance en soi, nous avons donc celle de pouvoir faire d’avantage confiance à autrui. Plus facile à dire qu’à faire dans une société où nous sommes en alerte permanente du fait de la pression sociale pour répondre à la conformité du « bien sous tous rapports » à laquelle nous poussent famille, enseignants, employeurs, voisinage, etc. Nous dépensons beaucoup d’énergie pour tenter de coller au plus près aux attentes et pour donner le change à ces interlocuteurs. La peur (ici de déplaire) est le sentiment qui induit le manque de confiance. Elle altère la nôtre, mais aussi celle que nous pourrions attribuer aux autres. Avez -vous pu constater déjà à quel point la méfiance est énergivore : épier, vérifier, extrapoler, monopolisent notre énergie et notre attention et nous détournent de ce qui est positif et/ou réaliste. Cela génère de plus des tensions physiques et toxiques. Une autre des conséquences dommageables du manque de confiance en soi, est celle de douter de la confiance qu’autrui peut nous accorder. Ces façons de faire sont susceptibles de nous enfermer dans des pièges mentaux dont les mécanismes tendent à nous auto-confirmer dans nos croyances. S’astreindre à tenter de faire confiance aux autres ou en la vie invite à lâcher prise sur ses préoccupations et ses peurs et à être moins jugeant pour soi mais aussi pour les autres.


Un autre élément prépondérant permettant d’améliorer la confiance et l’estime de soi est d’accepter l’échec et se donner le droit à l’erreur. L’échec fait partie de l’apprentissage : il nous permet d’oser, encourage la persévérance et avive la créativité. Il nous aide à grandir et à devenir meilleur dans l’humilité. Cette confrontation permet de faire une évaluation réaliste de ses capacités et de prendre la mesure de sa valeur véritable et ce, sans se dévaloriser (ou se surestimer) systématiquement. L’apprentissage est un chemin sur lequel on hésite, on trébuche, ou on tombe. Nelson Mandela en avait fait sa devise : « Je n’échoue jamais : soit je gagne soit j’apprends » disait-il. Aspirer à un parcours sans erreur est subversif car utopique. Avancer en accueillant les échecs est salutaire et courageux.


Se tester, s’essayer, se lancer régulièrement nourrissent aussi le courage et la confiance nécessaire pour appréhender la nouveauté et l’inconnu avec sérénité. Quelques ouvrages phares tel que « l’estime de soi » et « Imparfaits, libres et heureux » de Christophe André, ou celui de Charles Pépin mentionné précédemment, sont très éclairants sur le sujet. « Oser » de Frédéric Fanget est également une excellente référence avec des propositions pratiques pour aider à oser et à dompter l’appréhension par l’expérience de l’échec à petits pas. Expérimenter régulièrement permettra avec le temps :

  • De réguler davantage les émotions qui nous submergent et nous perturbent dans les situations inconfortables,

  • De les rendre moins inquiétantes et peut-être même intelligibles,

  • De réduire la crainte de l’échec et de lui restituer son caractère « naturel » dans le processus d’apprentissage

  • De stimuler l’adaptation et la créativité,

  • D’accroître l’optimisme et l’affirmation de soi.

Il ne s’agit pas de performance, mais de prendre conscience de la valeur de l’effort accompli et celle du chemin parcouru pour soi-même. Nous sommes le fruit de nos expériences : chaque réussite est importante (aucune n’est insignifiante). Elles permettent non seulement d’engranger de la compétence mais aussi de modifier l’image que l’on se fait de soi (composante de l’estime de soi).


Ces trois points clés sont, avouons-le, difficiles à intégrer et à mettre en application de manière systématique. Il faudrait en réalité les cultiver en conscience pour qu’ils puissent se transformer en habitudes. Leur mise en application aurait pour bénéfice de consolider la sécurité intérieure, qui à son tour alimentera la confiance en soi et l’estime de soi et vice-versa.


Une ressource encore trop ignorée : le corps et ses postures

Notre culture basée sur la compétition, nous amène malheureusement à nous focaliser davantage sur nos défauts, nos faiblesses et nos échecs ; alors que nos qualités considérées elles, comme « allant de soi » sont peu mises en valeur. A cela se rajoute la difficulté de répondre à deux injonctions contradictoires : l’une est de vouloir être reconnu en tant qu’individu dans notre solitude et notre unicité et l’autre dans notre similarité et notre conformité. De quoi être déboussolé et déconnecté de la réalité de ce que nous sommes et de ce qui nous convient le mieux. Nous possédons cependant tous une boussole interne que nous avons, pour la plupart, du mal à discerner. Elle se manifeste par le média du corps ; celui-ci est à l’origine de nos postures et nos impostures qui sont symptomatiques de nos besoins et de nos états d’âme, de nos joies et de nos maux et sont révélatrices de ce que nous sommes. Chacun porte physiquement en lui, dans sa posture identitaire, sa gestuelle et ses mimiques ce qu’il est et ressent intimement ; un véritable livre ouvert pour un public averti. Etrangement, cette lecture est loin d’être évidente pour nous-même. Notre cerveau a la fâcheuse tendance à déformer la réalité des choses et, étrangement, celles qui nous concernent directement en particulier. Entre croyances, déni et égo qui nourrissent nos biais cognitifs, il est parfois difficile d’avoir une image de soi proche de la réalité. Riche d’un potentiel et de ressources encore trop peu pris en considération et peu valorisés, ce qu’exprime le corps pourrait pourtant nous aider à voir, à écouter et à comprendre nos façons de faire et nos filtres de pensées. Être attentif et accueillir les signaux qu’il nous fait parvenir pourraient nous éclairer pour les ajuster ou possiblement les modifier si nécessaire. Spinoza, qui en son temps avait pris la mesure de l’intelligence du corps déclarait : « nul ne sait ce qu’il peut ». Il est en effet une source d’information formidable, un détecteur, un révélateur, un traducteur qui pourrait nous rendre les comportements plus intelligibles et faciliter l’évolution de nos croyances.


Un travail avec le corps et le mouvement pourrait donner un accès direct à ce que notre cortex, dans un souci de conformité sociétale, tente de contrôler et de contrefaire. La confrontation avec cette partie peu familière de nous-même (pour la plupart), pourrait nous encourager à aller à notre propre rencontre par une connexion à nos ressentis et nos besoins. Le vécu expérimenté dans un travail approfondi et régulier avec le corps, ses postures et sa gestuelle, participerait de plus à renforcer la sécurité intérieure si précieuse à la confiance et l’estime de soi. Elles se nourrissent mutuellement en réalité : plus la confiance et l’estime de soi sont importantes, plus la sécurité intérieure est alimentée à son tour. La capacité à oser davantage être soi et se libérer aussi bien physiquement que mentalement pourrait alors accroître de façon étonnante car oser physiquement donne le courage et le cran pour oser mentalement. S’autoriser, c’est oser s’affirmer : pour soi-même et vis-à-vis d’autrui.


La posture est la clé : elle est l’écho de notre ressenti et de notre vécu. Elle peut se conscientiser, elle peut se travailler et surtout elle peut changer. Bien des études aujourd’hui ont démontré qu’elle a une influence directe et quasi instantanée sur l’état d’esprit. Prendre conscience de sa posture lorsque l’on déploie ses poumons par exemple, laisser s’immiscer la modification qui s’invite et l’accueillir, modifie notre humeur, favorise notre positivité et attise notre sentiment de puissance ; non pas dans le sens de la domination, mais de la pleine conscience des capacités qui sont les nôtres (notez qu’il ne s’agit pas ici de correction médicale ou paramédicale de la posture ou l’orthopédie). Avez-vous déjà été attentifs à votre vécu corporel lors de moments de joie, de plaisir, de grande ou petite satisfaction ou bien lors de ressentis déplaisants comme la tristesse ou la colère ? Il se manifeste par des sensations dans le corps, dans les muscles, dans le ventre, dans la gorge ; par des larmes ou bien encore des sueurs chaudes ou froides qui s’inscrivent dans la mémoire corporelle sans qu’on y accorde aucune attention. En effet, celle-ci se focalise plutôt sur l’incidence psychologique et l’interprétation intellectuelle que l’on en fait, qui sont, ne l’oublions pas, sous l’emprise de nos croyances, de notre égo et du « qu’en dira-t-on ». Pourtant les émotions laissent des empreintes autant dans l’esprit que dans le corps et ce dès le plus jeune âge. L’interaction corporelle qu’a le nourrisson avec les adultes aurait déjà une ascendance sur sa posture (cf. « un corps à construire » de B. Lesage). Notre posture, notre gestuelle, nos sens et nos comportements sont donc sous influence. La mémoire corporelle, tout autant que le système limbique, enregistre et pourrait aller jusqu’à occasionner des traumatismes, des maladies ou bien plus agréablement faire revivre, telle la madeleine de Proust, de douces sensations.


Ces deux canaux seraient donc à prendre autant en considération l’un que l’autre et non pas l’un de l’autre. Les recherches du professeur Antonio Damasio ont d’ailleurs révélé que des personnes ne ressentant plus d’émotion en raison de lésions ou de maladies (affectant l’amygdale, l’insula ou la zone du cortex préfrontal), malgré un néocortex cérébral intact, ont vu leurs fonctions cognitives perturbées (sur le processus décisionnel par exemple). Les informations qu’emmagasine le corps permettraient donc de réguler et tirer pleinement profit de nos capacités intellectuelles. Les émotions vécues sont précisément un baromètre de notre état mental et nous indiquent quelle décision et direction prendre. A titre d’exemple, en situation de stress ou de contrariété, l’atout corporel sera indéniablement le plus efficace pour aider à reprendre le dessus sur un esprit agité ou angoissé : un travail notamment sur la respiration provoquera une régulation cardiaque, une détente musculaire et entraînera une meilleure irrigation du cerveau, dynamisant ainsi les processus mentaux (technique utilisée en relaxation ou pour les accouchements). Par éducation, nous avons pris l’habitude de nous fier principalement à notre intelligence cognitive et négligeons cette complétude providentielle, pourtant à notre portée. Nous gagnerions certainement à engager davantage notre corps dans notre quotidien. C’est un apprentissage, un entrainement, une démarche, et même une philosophie de vie. Il n'est pas question ici de rajouter une nouvelle injonction à la trop longue liste de celles qui nous régissent déjà en suggérant de travailler absolument la confiance et l’estime de soi pour devenir « meilleur ». Il s’agit plutôt d’une invitation à analyser les enjeux parmi lesquels nous évoluons : la place que chacun y occupe et la façon dont il se l’approprie ; se familiariser aussi avec nos différentes émotions et tenter de ne pas les refouler afin de repérer ce qui ne nous convient pas et est toxique pour nous. Cette vue d'ensemble nous donnerait accès à une lecture qui nous permettrait d’agir de manière plus appropriée et authentique et de mieux comprendre les rouages de la relation : une passerelle pour accueillir autrui avec davantage de tolérance et de bienveillance. Elles permettraient aussi de prendre justement un peu de distance par rapport aux injonctions qui nous régissent et être ainsi davantage en phase avec nous-même.


Ce que je vous livre ici est en réalité le cheminement et le fruit d’expériences vécues par des milliers de personnes qui s’adonnent à des activités impliquant l’expression du corps à laquelle la pratique de disciplines très variées donne accès. Celle avec laquelle je suis personnellement familière est la danse : l’interaction dans le mouvement à deux en particulier, permet de développer et de valoriser l’écoute de soi et de l’autre. Elle favorise l’ouverture et l’empathie et ravive la confiance (en soi et en l’autre) : pièce maîtresse dans la relation. Elle donne accès à la connexion (à soi, à l'autre), facilitant ainsi l’accueil et le partage d’émotions. Pour toutes ces raisons la plupart des danseurs, avec le temps, gagnent en bien-être et renforcent leur sécurité intérieure. L’échange dans la connexion, le partage d’émotions et le plaisir que cela procure au corps et à l’esprit, leur permettent de développer de façon naturelle des compétences relationnelles ; elles sont alors souvent de l’ordre de la compétence inconsciente car elles émergent avec les années de pratique. Nous disposons tous de ces ressources pour tout simplement oser être. Un travail corporel guidé en conscience pourrait permettre à tout un chacun d’accéder à une meilleure aisance et sérénité relationnelle. Mais, selon sa confiance et ses capacités du moment, il appartient à chacun d’identifier le moyen de se reconnecter à ce que Bergson appelait l’élan vital.


Carole Tanguy,

Médiateure, Facilitatrice à Espace3E





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