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Photo du rédacteurCarole Tanguy

La facilitation relationnelle chez Espace 3E «en pratique»

Dernière mise à jour : 14 sept. 2022


Si vous avez lu notre article précédent, « la facilitation relationnelle autrement », vous savez déjà que l’accompagnement que nous proposons vise à cultiver des relations sereines, une communication apaisée et la confiance en soi et en l’autre. Vous savez aussi que notre principale source d’inspiration et de travail pour accompagner les personnes vers une meilleure compréhension de ce qui se joue dans la communication et dans les relations est, avec d’autres approches psychocorporelles, le tango argentin. Cette discipline nous intéresse particulièrement dans les accompagnements car elle est riche d’apprentissage sur la relation à soi et aux autres. Nous aimerions ici vous donner une description pratique au travers de quelques exemples concrets de notre approche et de notre intention dans ces ateliers.

Basés sur cette expression corporelle singulière venue d’Argentine, dont l’essence est un véritable reflet de la dynamique qui caractérise les relations (avec ses complémentarités, ses équilibres, ses déséquilibres et ses incompréhensions), les exercices que nous proposons, dans un environnement sécurisé et bienveillant, sont des mises en situation de la communication par le mouvement qui sont accessibles à tous : en solo, en duo ou bien encore en groupe. En pratique nous commençons lors de nos séances par travailler l’écoute de soi ; l’écoute intérieure est loin d’être une évidence car elle va en réalité à l’encontre de notre éducation occidentale. Ce premier travail est guidé par la voix. Il permet de focaliser son attention sur le corps et ses ressentis et invite à la détente. Cette entrée en matière aide à libérer l’esprit de ses préoccupations du moment afin d’être présent à soi-même et avec le groupe dans l’expérience corporelle à suivre. Les soucis mis entre parenthèse pour un temps, aidera chacun à être dans l’accueil : de l’expérience à vivre, de soi et de l’autre. C’est en étant à mon contact, dans cet espace sécurisant, que je peux prendre le risque de la relation.


L’interaction avec des objets et/ou des personnes est notre support pour cette exploration :

  • Un premier exemple : un ballon pris en étaux entre deux corps en mouvement, contraint les deux protagonistes à coopérer afin que le ballon ne tombe pas : ce qui implique de prendre en compte les possibilités, les limites et les façons de faire de soi-même et de son partenaire. Une fois les automatismes repérés, engendrés notamment par nos besoins de prudence et de contrôle, notre propension à la curiosité et à l’exploration va inciter chacun à s’adapter, à prendre des initiatives, à s’autoriser à faire autrement ou même à aller plus loin plutôt que se limiter aux déplacements les plus évidents et les plus faciles.

  • Autre exercice : un déplacement corporel en groupe, par exemple en ligne, épaule contre épaule, peut être révélateur de préférences comportementales : tendance à l’effacement ou au mimétisme ou bien encore à l’interventionnisme. Car chacun intervient dans ces exercices avec ce qu’il est et sa personnalité dominante.

  • Ou bien encore un déplacement à deux, face à face et connectés par les avant-bras par exemple, avec une personne en position de demandeur et l’autre de récepteur (ou guideur/suiveur dirait-on en danse) incitera chacun à mobiliser ses compétences d’écoute. Cette proposition invite les guideurs à se focaliser sur la façon d’exprimer leur demande et trouver le moyen de partager leur intention. Tandis que les suiveurs, par la volonté de mener à bien l’expérience, amplifieront tout à la fois leur écoute, leur attention et leur lâcher-prise. Les binômes pourront tester les deux rôles car le changement de perspective est très éclairant, voire démystifiant pour chacun.

Dans cet échantillon d’exercices les compétences et les ressources sollicitées sont notamment : la coopération, la considération, l’écoute, la bienveillance, l’adaptation, le changement de perspective, la prise de conscience des différentes façons de faire et d’être, l’attention, le lâcher prise, la créativité et même l’audace qui a à voir avec la confiance.


Notre corps dans son expression parle de ce que nous sommes. Pour cette raison les mises en situation que nous choisissons de vous proposer permettent littéralement de visualiser les attitudes et postures des uns et des autres. L’interaction invite à l’observation et à repérer les manières de faire de chacun et la façon dont l’autre les accueille. L’effet miroir généré par le changement de rôle est l’un des outils les plus efficaces pour les prises de conscience en incitant les participants à devenir leurs propres observateurs. Chacun prend alors la mesure de l’importance d’être à l’écoute de ses besoins ainsi que ceux de l’autre pour parvenir à un échange fluide dans la rencontre corporelle. Le vécu intérieur qui se manifeste lors de cette expérience interpelle l’intellect et met en exergue de façon tangible la corrélation avec la communication verbale et non verbale, et la pertinence de possiblement le mettre à profit pour les relations du quotidien. L’attention, l’intention et la délicatesse que requièrent la plupart des exercices que l’on expérimente dans les ateliers stimulent par ailleurs la concentration et le recentrage : un atout pour une meilleure écoute intérieure permettant de faire un état des lieux personnel. La variété des mises en situations proposées, ouvre les horizons sur la perception de soi et de l’autre et invite à l’audace. Autant de compétences très utiles à cultiver, qui facilitent la vie, et aident à gagner en confiance et en fluidité dans les relations. Parvenir à oser à "être" avec son corps influence clairement l’assertivité, la place que l’on s’autorise à occuper dans la vie et la façon de communiquer. Ces ressources sont essentielles pour susciter des interactions et des ententes agréables, intéressantes et pourquoi pas remarquables ; c’est-à-dire qui font du bien et qui valorisent. Cela ne devrait-il pas être le cas de toutes relations qu'elles soient familiales, amicales, amoureuses ou professionnelles ?


Certaines théories avancent qu’en réalité La communication « verbale » est, paradoxalement, essentiellement para-verbale et non verbale. En effet ce que l’on renvoie visuellement par nos attitudes, notre style, nos gestes, nos mimiques, mais aussi la voix, l’intonation, le débit, le souffle etc… sont une mine d’information pour nos interlocuteurs. Il nous est tous arrivé de faire l’expérience de perceptions non verbales : « je ne peux pas le sentir » ou « je ne le sens pas » ; parce que parfois nous percevons une incohérence ou un décalage entre une manière de faire et ce qui est dit. La première impression est souvent la bonne car notre corps est bien notre premier récepteur ainsi que le principal émetteur de nos messages. C’est donc en premier lieu avec le corps que nous percevons, mais aussi que nous comprenons et apprenons. Le mental lui interprète et relie en fonction de ce qu’il connaît déjà ou préfère. Nous pourrions davantage tirer parti de cet atout pour apprendre à nous connaître davantage et comprendre des choses à notre sujet : le corps est le meilleur média que nous ayons sous la main pour obtenir des informations nous concernant. Il est également notre source d’énergie vitale. Mais se connecter à ses ressentis requiert certaines aptitudes et disciplines. Pour les acquérir nous recommandons en premier lieu de recruter son corps très régulièrement par des activités physiques ou méditatives variées, l’autorisant ainsi à s’exprimer, à s’épanouir et ainsi à se reconnecter.

Ces ateliers de facilitation relationnelle dans lesquels nous conjuguons l’expression corporelle à une posture de médiation sont un moyen que nous proposons pour accéder à une modification plus rapide des schémas de pensée, des fonctionnements et des croyances. Les codes du tango argentin que nous utilisons dans notre accompagnement offrent un support pédagogique permettant de développer ces aptitudes bien qu’elles dépendent aussi de la capacité que chacun a à se connecter à son vécu intérieur. Ils donnent accès à un décryptage de la complexité des relations et des raisons éventuelles qui génèrent les difficultés, permettant ainsi d’entrevoir la nature des interactions, les jeux psychologiques ou les co-constructions, et ce que l’on pourrait modifier pour fluidifier la communication. La dimension métaphorique des exercices vient éclairer la lecture que nous faisons des agissements et des ressentis de chacun. Cette visualisation des attitudes et de la gestuelle, permet de donner à voir la responsabilité de chacun dans sa communication : c’est une invitation à devenir artisan dans l’interaction. Elle invite chacun à découvrir, non pas ses limites mais au contraire un potentiel qu’il ne soupçonnait pas.


Dans cet accompagnement nous utilisons également les « ancrages » (cf. PNL et hypnose Eriksonienne) pour permettre à chacun, quand une situation d’incompréhension ou de tension s’invitera dans son quotidien, de se relier aux états vécus lors des ateliers. Le caractère inhabituel et original de l’expérience vécue contribue à un cheminement en interpellant et marquant les esprits. Les recherches en neurosciences et en sciences de l'éducation ont effectivement démontré qu'une forme de communication qui sollicite les deux hémisphères est plus riche en codes et en interprétations et la rend plus intelligible. En joignant une activité corporelle à une activité cérébrale (approche kinesthésique), de facto, l’assimilation des informations est facilitée et ce de manière durable, car le corps enregistre et n'oublie pas. C’est là tout l’intérêt de ce travail. S’approprier ces (et ses) compétences non pas par la seule voix intellectuelle comme c’est le plus souvent le cas mais bien en faisant appel à notre intelligence et notre mémoire corporelle.


J’aimerais souligner à ce stade un point des plus important : il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire ou d’être. Quel que soit le profil, chacun fait ce qu’il peut, avec son humeur et ses capacités du moment dans un contexte et à un instant donné. Mais l’attitude finalement adoptée est un élément clé de la connaissance de soi : elle est un indicateur de notre cohérence et nous sert de signal d’alarme. L’idée de ces ateliers est de partir de là où nous en sommes dans le but d’apprendre à se connecter à nos ressentis. La pleine présence et la force de l’intention que l’on développe dans ce type de travail rend l’accès à son vécu intérieur plus facilement accessible. Il est intéressant aussi avec l’expérience de découvrir la possibilité de se connecter aux autres sans que le toucher intervienne. La pleine présence est en toutes circonstances ce qui permet d’adapter nos comportements de façon adéquate et sereine aux différentes situations auxquelles nous faisons face au quotidien. Mais elle se travaille. La plupart du temps quand nous nous sentons tendus ou mal à l’aise c’est davantage parce que nous sommes pris par une résurgence du passé, ou inversement, que nous nous projetons dans le futur (qui n’existe pourtant pas encore), ou parce que nous présageons de ce qui ne nous appartient pas (la réaction ou le jugement d’autrui par exemple sur lesquels nous extrapolons généralement beaucoup), ou bien encore parce que notre comportement n’est pas tout à fait en ligne avec nos besoins et nos valeurs, plutôt que de la faute des autres. Dans ces moments-là il en résulte un cataclysme intérieur dû à une dissonance entre notre comportement (adopté à cet instant pour répondre à l’attente présumée d’un tiers ou à une habitude éducative) et ce qui nous conviendrait vraiment. En découle des surréactions, des paroles qui « dépassent nos pensées » ou, au contraire, un mutisme déconcertant dans une situation qui aurait peut-être méritée une manifestation de notre part. L’énergie dont nous aurions besoin à ce moment-là pour appréhender la situation avec la bonne distance qui nous donnerait ainsi accès une analyse clairvoyante et à une réaction appropriée est malheureusement indisponible car monopolisée pour tenter de neutraliser le bouleversement de notre vécu intérieur.


La verbalisation n’est tout de même pas totalement bannie de nos ateliers. Nous gardons une place pour la parole en fin de séance, pour ceux qui souhaiteraient partager leur vécu ; comme pour laisser là ce qui ne leur appartient déjà plus, ou au contraire soutenir ce qui est en train d’émerger. L’expression corporelle conjuguée à la posture de médiation que nous proposons dans cet accompagnement, par le biais d’un échange guidé qui s’inspire aussi de la communication non violente (CNV), invite chacun à la réflexivité et au cheminement : celui de l’apaisement et de la sérénité.


Carole Tanguy

Médiateure, Facilitatrice chez Espace 3E

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